Silicon Valley : La Méritocratie Contre La Diversité ?

La Silicon Valley est à nouveau secouée par un débat houleux opposant les partisans de la méritocratie à ceux de la diversité, de l’équité et de l’inclusion (DEI). Le récent post provocateur d’Alexandr Wang, fondateur de la startup d’IA Scale AI, sur le réseau social X (ex-Twitter), a mis le feu aux poudres en proclamant vouloir privilégier « MEI » – mérite, excellence et intelligence – plutôt que « DEI » pour les recrutements dans son entreprise.

La méritocratie, un idéal trompeur ?

Derrière son apparente logique de récompenser les plus talentueux, la méritocratie repose en fait sur des critères subjectifs reflétant le statu quo et perpétuant les inégalités. Comme l’explique Emily Witko de la startup Hugging Face, considérer les candidats de façon désincarnée, sans prendre en compte leurs expériences uniques influant sur leur employabilité, est une erreur :

Un système méritocratique est construit sur des critères qui reflètent le statu quo, et par conséquent, il perpétuera les inégalités existantes en favorisant continuellement ceux qui ont déjà des avantages.

– Emily Witko, Hugging Face

Les données contredisent la méritocratie

Malgré leur réputation d’entreprises guidées par les données, les géants de la tech peinent à lâcher le mythe de la méritocratie, alors que les études prouvent que les équipes diverses sont plus performantes. La proportion de femmes dans la data science a chuté de 36% en 2022 à 12% en 2023 selon le cabinet Harnham. Les offres d’emploi liées à la diversité et l’inclusion ont reculé de 44% en un an d’après Indeed.

Pourtant, 73% des femmes travaillant dans l’IA envisagent de quitter le secteur en raison d’inégalités salariales et d’un manque de possibilités d’évolution selon Deloitte. La méritocratie tant vantée semble donc loin d’être une réalité.

Scale AI, un cas emblématique

Ironiquement, si l’on se penche sur les conditions de travail des annotateurs de données de Scale AI, souvent issus de pays en développement, le tableau est peu reluisant. D’après le Verge et NY Mag, ces travailleurs enchaînent les journées de 8h sans pauses pour des salaires démarrant à $10.

C’est pourtant sur le dos de cette main d’œuvre que Scale AI a bâti une valorisation de plus de 13 milliards de dollars. Il est donc permis de douter de la volonté réelle de l’entreprise de bousculer le status quo.

Diversité et inclusion, des leviers de performance

Loin de s’opposer à l’excellence, les politiques DEI visent justement à élargir les viviers de talents et à prendre des décisions de recrutement objectives ne désavantageant pas des candidats en raison de leur identité. Reconnaître que les idéaux ne suffisent pas et qu’il faut une vraie intentionnalité pour construire des entreprises diverses et équitables est essentiel.

Les leaders de la tech doivent sortir de la posture confortable consistant à se draper dans de grands principes de méritocratie. Construire des entreprises soucieuses d’équité et représentatives de la société est non seulement un impératif éthique, mais aussi un levier de performance à long terme. Il est grand temps de réconcilier excellence et diversité.

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