Stalkerware : Pourquoi Ces Applis Sont un Danger

Imaginez un instant : vous installez une application pour surveiller un proche, pensant garder un œil discret sur ses activités. Mais que se passe-t-il si cette même application, censée protéger vos secrets, devient une passoire à données ? Depuis 2017, pas moins de **25 entreprises de stalkerware** ont été piratées ou ont laissé fuiter des informations sensibles, exposant des millions de victimes et d’utilisateurs. Ce n’est pas une simple anecdote : c’est une alerte rouge pour quiconque s’intéresse à la technologie, à la vie privée ou même au business digital. Dans cet article, on plonge dans l’univers sombre des stalkerwares, ces outils de surveillance controversés, pour comprendre pourquoi ils représentent un risque majeur – pour vous, vos proches, et même vos données.

Qu’est-ce qu’un stalkerware, au juste ?

Les stalkerwares, parfois appelés *spousewares*, sont des applications conçues pour espionner discrètement une personne via son smartphone ou son ordinateur. Elles permettent d’accéder à des messages, des photos, des historiques d’appels, voire des localisations GPS, souvent sans que la victime ne s’en rende compte. À première vue, cela peut sembler un outil pratique pour des parents inquiets ou des partenaires méfiants. Mais la réalité est bien plus sombre : ces logiciels sont souvent vendus à des conjoints jaloux ou à des individus mal intentionnés, avec des slogans qui flirtent avec l’illégalité.

Le problème ? Ces entreprises, qui prospèrent dans une zone grise éthique et juridique, ne brillent pas par leur sérieux en matière de **cybersécurité**. Depuis des années, elles accumulent les scandales : piratages à répétition, fuites massives de données, et une incapacité chronique à protéger leurs clients – et encore moins leurs victimes. Alors, pourquoi ces applis font-elles encore parler d’elles ? Parce qu’elles touchent un marché sensible : la curiosité humaine et la peur de l’infidélité.

Un historique de piratages à couper le souffle

Tout commence en 2017, avec les premières grandes vagues de piratages. Des entreprises comme *Retina-X* et *FlexiSpy* se retrouvent dans le viseur de hackers militants, bien décidés à faire tomber ces géants douteux de la surveillance. Résultat ? Les données de **130 000 clients** sont exposées, révélant au passage des informations ultra-sensibles sur leurs cibles. Ces hackers ne se contentent pas de voler : ils veulent détruire une industrie qu’ils jugent toxique.

« Je vais les réduire en cendres et ne leur laisser aucun refuge. »

– Un hacker anonyme, à propos de FlexiSpy, en 2017

Depuis, c’est une véritable hécatombe. *SpyX*, par exemple, a vu les données de près de **2 millions de victimes** compromises en 2024. Avant ça, *mSpy* a exposé des millions de tickets de support client, tandis que *pcTattletale* s’est fait ridiculiser par un hacker qui a défiguré son site officiel. Et ce ne sont que quelques exemples parmi une liste qui ne cesse de s’allonger.

Voici un rapide aperçu des incidents marquants :

  • *Retina-X* : piraté en 2017, puis en 2018, avant de fermer boutique.
  • *SpyFone* : fuite de données massive en 2018 via un serveur mal sécurisé.
  • *mSpy* : deux incidents majeurs, en 2018 et 2024.
  • *TheTruthSpy* : record de piratages, avec trois fuites entre 2021 et 2024.

Pourquoi ces entreprises sont-elles si vulnérables ?

Si ces stalkerwares tombent comme des mouches, ce n’est pas un hasard. Eva Galperin, experte en cybersécurité à l’*Electronic Frontier Foundation*, les qualifie de « cibles faciles ». Pourquoi ? Parce que les entreprises derrière ces outils n’ont souvent ni l’éthique ni les ressources pour sécuriser leurs infrastructures. Leur priorité, c’est le profit rapide, pas la protection des données.

Imaginez une startup qui vend un produit controversé sans investir dans une équipe de sécurité compétente. Résultat : des serveurs mal configurés, des mots de passe faibles, et des bases de données laissées à l’abandon sur le web. Ajoutez à cela des hackers motivés par une cause – mettre fin à cette industrie – et vous obtenez une recette parfaite pour le chaos.

Prenez *SpyFone*, par exemple : en 2018, une simple erreur de configuration sur un serveur Amazon S3 a exposé des messages, photos et enregistrements audio de victimes. Ou encore *FamilyOrbit*, qui a laissé **281 Go de données personnelles** en ligne, protégées par un mot de passe devinable en deux minutes. Ces négligences sont monnaie courante dans ce secteur.

Les conséquences pour les utilisateurs et les victimes

Quand un stalkerware est piraté, ce n’est pas seulement l’utilisateur – celui qui espionne – qui est touché. Ce sont aussi les **victimes**, celles qui n’ont jamais consenti à être surveillées. Leurs messages privés, leurs photos intimes, leurs déplacements : tout finit potentiellement sur le dark web ou dans les mains de cybercriminels. Pour une entreprise de marketing digital ou une startup tech, c’est une leçon brutale : la sécurité des données n’est pas négociable.

Et ce n’est pas tout. Les utilisateurs eux-mêmes, souvent des conjoints jaloux ou des parents intrusifs, se retrouvent exposés. Leurs propres informations – emails, numéros de téléphone, historiques de paiement – sont compromises. Ironie du sort : en voulant surveiller les autres, ils deviennent des proies.

« Ces entreprises ne se soucient ni de leurs clients ni de leurs victimes. Elles sont irresponsables à tous les niveaux. »

– Eva Galperin, Electronic Frontier Foundation

Un danger pour le business et la réputation

Pour les entrepreneurs et les marketeurs, cette saga des stalkerwares est un cas d’école. Imaginez un instant que votre startup repose sur une application ou un service numérique. Si vos utilisateurs découvrent que leurs données ne sont pas en sécurité, c’est la fin de la confiance – et probablement de votre business. Les stalkerwares montrent ce qui arrive quand on sacrifie la **sécurité** pour des gains rapides : piratages, scandales, et parfois fermeture pure et simple.

Prenez *pcTattletale* : après un piratage humiliant en 2024, son fondateur a jeté l’éponge. Ou *SpyFone*, interdit d’opérer par la *Federal Trade Commission* après une fuite massive. Ces exemples rappellent une vérité essentielle : dans le monde digital d’aujourd’hui, la **vie privée** et la **cybersécurité** sont des arguments de vente, pas des options.

Et si vous êtes tenté d’utiliser un stalkerware ?

Vous vous dites peut-être : « OK, mais moi, je veux juste surveiller mes enfants ou vérifier quelque chose. » Stop. D’abord, c’est souvent **illégal**. En France, comme dans beaucoup de pays, espionner quelqu’un sans son consentement peut vous valoir des amendes salées, voire de la prison. Ensuite, c’est **risqué**. Les données que vous collectez – et les vôtres – pourraient finir entre de mauvaises mains.

Pour les parents, il existe des alternatives. Les outils intégrés aux iPhones (*Screen Time*) ou aux appareils Android (*Google Family Link*) permettent un suivi légal et sécurisé, avec le consentement des enfants. Pas besoin de jouer avec le feu en installant des applis douteuses.

Voici pourquoi dire non aux stalkerwares est une évidence :

  • Illégal dans la plupart des cas, avec des sanctions lourdes.
  • Risque de piratage et d’exposition de vos données.
  • Impact éthique : espionner, c’est trahir la confiance.

Une industrie qui ne meurt jamais ?

Sur les **25 entreprises** touchées par des piratages ou des fuites depuis 2017, huit ont fermé leurs portes. Mais ne criez pas victoire trop vite. Comme des champignons après la pluie, beaucoup réapparaissent sous un nouveau nom. *Spyhide* devient *Oospy*, *SpyFone* inspire *SpyTrac*… Les fondateurs reprennent leurs vieilles recettes, espérant échapper aux radars.

Pourtant, il y a de l’espoir. Des études, comme celle de *Malwarebytes* en 2023, montrent une baisse de l’utilisation des stalkerwares. Les utilisateurs se méfient, lassés par les promesses non tenues et les scandales. Mais attention : la surveillance ne disparaît pas, elle mute. Les traqueurs physiques, comme les *AirTags*, prennent le relais. Le combat pour la **vie privée** est loin d’être terminé.

Que retenir de ce fiasco ?

Les stalkerwares ne sont pas qu’une menace pour les victimes ou les utilisateurs imprudents. Ils sont un miroir tendu aux entreprises technologiques, aux startups et aux marketeurs. Si vous jouez avec les données de vos clients sans les protéger, vous jouez avec le feu. À l’ère du tout numérique, où la **confiance** est une monnaie rare, les leçons sont claires :

  • Investissez dans la cybersécurité, dès le départ.
  • Respectez la vie privée, ou préparez-vous à en payer le prix.
  • Évitez les raccourcis éthiques : ils finissent toujours par coûter cher.

Alors, la prochaine fois que vous croiserez une pub pour une appli miracle qui promet de tout savoir sur vos proches, passez votre chemin. Les stalkerwares ne sont pas seulement dangereux pour ceux qu’ils espionnent : ils sont une bombe à retardement pour quiconque s’en approche. Dans un monde où la technologie façonne nos vies, mieux vaut choisir la sécurité et l’éthique plutôt que les ombres de la surveillance.

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