Tony Fadell, père de l’iPod et fondateur de Nest, n’a pas sa langue dans sa poche. Lors de sa prise de parole au TechCrunch Disrupt 2024, il a livré un point de vue sans concession sur la culture d’entreprise de la Silicon Valley, le syndrome d’imposteur qui y règne et les limites de l’intelligence artificielle généraliste. Une intervention ponctuée de punchlines qui ont fait mouche auprès de l’auditoire.
Les « A**holes motivés », moteurs de l’innovation ?
Selon Tony Fadell, pour créer et livrer des produits technologiques de classe mondiale, il faut des « a**holes motivés ». Il clarifie sa pensée en distinguant deux types de personnalités difficiles :
Il y a les égocentrés qui rabaissent les autres pour gonfler leur ego. Et il y a ceux focalisés sur les détails, qui ne critiquent pas les gens mais leur travail, en les poussant à faire mieux. C’est ce second type dont on a besoin.
– Tony Fadell
Être pointilleux sur les détails et tirer son équipe vers le haut, ce serait donc la marque des grands leaders technologiques selon lui. Un management exigeant mais bienveillant, au service d’un produit d’exception.
Le syndrome d’imposteur de la Silicon Valley
Mais cette quête d’excellence a ses dérives. Tony Fadell épingle au passage la culture d’entreprise de Google où les employés, à peine arrivés en bus, filent déjeuner puis repartent, après un massage et un yaourt. Pour lui, la Silicon Valley est en train de sombrer dans le syndrome d’imposteur et un sentiment de droit acquis :
Quand je travaillais chez General Magic dans les années 90, on refusait d’embaucher les gens de la côte est. Ils réclamaient un chauffeur, une voiture de fonction, un déjeuner d’entreprise et des toilettes de direction. Maintenant c’est la Silicon Valley qui est devenue comme ça, un sentiment de droit acquis à tous les étages !
– Tony Fadell
Bien loin de l’état d’esprit entrepreneurial et du sens du défi qui animaient les débuts de la tech. Un changement de mentalité qu’il déplore.
Les limites de l’IA généraliste façon « je-sais-tout »
Autre tendance actuelle dans le viseur de Fadell : les grands modèles de langage (LLM) type ChatGPT. Il les compare à des « je-sais-tout », soulignant qu’ils hallucinent et ne devraient pas être adoptés partout.
S’il leur reconnaît un intérêt pour des usages créatifs et ludiques, comme générer un poème, il met en garde contre leur utilisation pour des tâches à forts enjeux. Il serait par exemple dangereux qu’un médecin s’en serve pour rédiger des dossiers patients, au risque d’erreurs dans les prescriptions.
Les modèles spécifiques à un domaine fonctionnent bien et n’hallucinent pas. Mais les LLM essayent d’être génériques car on veut faire advenir la science-fiction.
– Tony Fadell
En conclusion, la sortie de Tony Fadell est un électrochoc salutaire pour une Silicon Valley en proie à l’hybris et tentée par le miroir aux alouettes de l’IA généraliste. Faire de la tech, c’est d’abord rassembler une équipe de passionnés intransigeants sur la qualité, tournée vers de vraies innovations. C’est ainsi qu’il avait révolutionné l’industrie musicale avec l’iPod puis la domotique avec Nest. Espérons que son message inspire une nouvelle génération de startups !