Les banques ayant prêté 13 milliards de dollars à Elon Musk pour financer son acquisition de Twitter à 44 milliards de dollars doivent aujourd’hui amèrement le regretter. Selon le Wall Street Journal, cette opération est devenue le pire deal de financement de fusion-acquisition pour les banques depuis la crise financière de 2008-2009. Décryptage de ce fiasco financier qui ébranle Wall Street.
Un appât nommé Elon Musk
Morgan Stanley, Bank of America et cinq autres grandes banques ont accepté de souscrire ces prêts « en grande partie parce que l’attrait de faire des affaires avec l’homme le plus riche du monde était trop beau pour être refusé », souligne le WSJ. L’aura et la fortune colossale d’Elon Musk ont manifestement éclipsé les risques pourtant évidents de cette opération.
Lorsque les banques prêtent de l’argent pour des rachats, elles revendent généralement cette dette à d’autres, engrangeant des commissions au passage. Mais avec les finances désastreuses de Twitter, rebaptisé X, cela s’est avéré impossible. Les prêts pèsent donc comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête des banques.
X, un gouffre financier
Depuis son acquisition par le milliardaire, le réseau social accumule les pertes. Elon Musk a procédé à des licenciements massifs et pris des décisions controversées qui ont fait fuir annonceurs et utilisateurs. Résultat, les revenus publicitaires, principale source de revenus de la plateforme, se sont effondrés.
On estime que X perdrait 4 millions de dollars par jour.
– Platformer
Avec une telle hémorragie de cash, difficile pour X de rembourser ses créanciers. C’est là que le bât blesse pour les banques. A moins de pouvoir soutirer des paiements d’intérêts conséquents à X et un remboursement du principal à l’échéance des prêts, elles risquent de subir de lourdes pertes.
Un avenir incertain
Le pari d’Elon Musk sur Twitter semble de plus en plus hasardeux. Outre la perte de vitesse de la plateforme, de nombreux observateurs doutent de la pertinence de la stratégie du milliardaire.
Son obsession à vouloir faire de X une « app pour tout », sorte de WeChat à l’occidentale, soulève de nombreuses interrogations. Paiements, vidéos, messagerie… les nouveaux services annoncés peinent à convaincre et à décoller.
Elon Musk semble vouloir transformer une plateforme qui fonctionnait en quelque chose de complètement différent, avec des fonctionnalités que personne ne demande.
– Carolina Milanesi, analyste chez Creative Strategies
Autant d’incertitudes qui font trembler les banques ayant misé sur la réussite d’Elon Musk. Elles qui espéraient un jackpot en s’associant à l’entrepreneur star craignent désormais d’avoir participé au financement de l’un des plus gros fiascos de l’histoire de la Tech.
Twitter, le casse-tête d’Elon Musk
Pour Elon Musk aussi la pression monte. L’entrepreneur a misé une grande partie de sa fortune personnelle dans le rachat de Twitter, en vendant pour 23 milliards de dollars d’actions Tesla. Mais le constructeur automobile a vu son cours chuter, en partie à cause des frasques de son patron sur Twitter, amputant sérieusement la richesse de Musk.
- De 1re fortune mondiale avec 219 milliards $, Musk est tombé à la 2e place avec « seulement » 185 milliards $.
La pression est donc maximale pour réussir son pari sur X. Mais les signaux ne sont guère encourageants. La plateforme peine à garder ses utilisateurs et à en attirer de nouveaux malgré la fin des limites de caractères. Et les annonceurs tournent le dos à la plateforme jugée trop toxique et clivante.
Quel avenir pour X ?
Malgré ces sombres perspectives, Elon Musk se veut rassurant. Il affirme que X est en bonne voie pour atteindre la rentabilité. Mais sans fournir de chiffres tangibles.
Je pense qu’il y a un chemin vers un X vraiment précieux.
– Elon Musk, PDG de X
Il assure aussi que les récents changements, aussi déroutants soient-ils, préparent la plateforme pour le futur. Son pari : diversifier les revenus au-delà de la pub pour devenir une super-app incontournable.
Mais le temps presse. Si X ne redresse pas rapidement la barre, Elon Musk pourrait être contraint de remettre au pot pour éviter un naufrage. Et les banques qui ont financé sa folle aventure risquent de payer un lourd tribut à leur hubris. Une chose est sûre : le match Musk vs Wall Street n’a pas fini de faire des étincelles dans la Silicon Valley et au-delà.