Saviez-vous que chaque dollar investi dans une startup peut déclencher des ondes géopolitiques à l’échelle mondiale ? C’est exactement ce qui se passe avec l’investissement de Benchmark Capital dans Manus AI, une startup chinoise spécialisée dans l’intelligence artificielle. Cet engagement financier de 75 millions de dollars, qui valorise l’entreprise à un demi-milliard, a attiré l’attention du Trésor américain. Pourquoi ? Parce que les États-Unis surveillent de près les flux de capitaux vers les technologies sensibles, notamment l’artificial intelligence, dans un contexte de rivalité technologique avec la Chine. Dans cet article, nous plongeons dans les méandres de cette affaire, explorant les implications pour les startups, les investisseurs et l’avenir de l’IA.
Un Investissement Sous le Radar du Trésor Américain
En mai 2025, TechCrunch révèle que le Trésor américain a ouvert une enquête sur l’investissement de Benchmark Capital dans Manus AI. Cette startup, dirigée par la société Butterfly Effect, a levé 75 millions de dollars dans un tour de table mené par Benchmark, un acteur majeur du capital-risque de la Silicon Valley. Mais ce qui semblait être une opération classique de financement a rapidement pris une tournure politique. Pourquoi ? En raison d’une loi de 2023, issue d’un décret de l’ancien président Joe Biden, qui oblige les entités américaines à notifier le Trésor de tout investissement dans des technologies critiques, comme l’IA, dans des « pays préoccupants » tels que la Chine.
Le Trésor cherche à déterminer si cet investissement respecte ces restrictions. Selon des sources anonymes citées par Semafor, les avocats de Benchmark affirment que l’opération est conforme, car Manus AI ne développe pas ses propres modèles d’IA, mais agit comme une « enveloppe » autour de modèles existants. De plus, la société est officiellement enregistrée aux îles Caïmans, une structure courante pour les entreprises chinoises cherchant à accéder aux capitaux étrangers, comme l’a fait Alibaba par le passé.
L’investissement dans Manus AI ne viole pas les règles, car l’entreprise ne crée pas ses propres modèles d’IA et n’est pas basée en Chine.
– Avocats de Benchmark, selon Semafor
Cette justification n’a pas empêché une vague de critiques, notamment de la part d’autres investisseurs de la Silicon Valley. Delian Asparouhov, associé chez Founders Fund, a ironisé sur X en déclarant : « Wow, les actions ont des conséquences ? » Cette remarque reflète un sentiment croissant de méfiance envers les investissements américains dans des entreprises chinoises, perçues comme pouvant renforcer un rival stratégique.
Pourquoi Manus AI Attire-t-elle Tant d’Attention ?
Manus AI n’est pas une startup ordinaire. En mars 2025, elle a fait sensation avec une démonstration virale de son agent IA, capable d’effectuer des tâches complexes comme analyser des CV, créer des itinéraires de voyage ou même programmer des applications mobiles. Surnommé le « second moment DeepSeek » par certains observateurs, cet événement a positionné Manus comme un concurrent sérieux dans le domaine des agents IA autonomes. Contrairement aux chatbots traditionnels, ces agents combinent plusieurs modèles d’IA (comme Claude 3.5 Sonnet d’Anthropic ou Qwen d’Alibaba) pour exécuter des tâches de manière indépendante.
Cependant, les performances de Manus ne sont pas exemptes de critiques. TechCrunch a testé l’agent et rapporté des bugs, comme des plantages lors de la commande de repas ou l’incapacité à réserver des vols. Malgré ces limites, la startup a lancé des abonnements payants, allant de 39 à 199 dollars par mois, signalant une ambition de monétisation rapide. Cette combinaison d’innovation prometteuse et de défis techniques rend Manus AI à la fois fascinante et controversée.
Les Enjeux Géopolitiques de l’IA
L’enquête du Trésor américain ne concerne pas seulement Benchmark ou Manus AI ; elle s’inscrit dans une lutte plus large pour la suprématie technologique entre les États-Unis et la Chine. Les États-Unis, qui ont longtemps dominé la recherche en IA, voient leur avance se réduire. La Chine publie désormais plus de papiers de recherche en IA et développe des modèles performants, comme DeepSeek R1, qui a secoué les marchés technologiques en 2025. Dans ce contexte, chaque investissement dans une startup chinoise est scruté pour ses implications sur la sécurité nationale.
Le programme de sécurité des investissements sortants, mis en place en 2023, vise à limiter les financements qui pourraient « accélérer le développement de technologies sensibles » au détriment des intérêts américains. Cela inclut l’IA, mais aussi les semi-conducteurs et d’autres secteurs stratégiques. Le cas de Manus AI soulève une question clé : comment définir une « entreprise chinoise » ? Bien que Butterfly Effect soit enregistré aux Caïmans et stocke ses données sur des serveurs occidentaux, ses racines à Wuhan et ses employés en Chine alimentent les soupçons.
Investir dans Manus n’a aucun sens. Ce n’est pas dire que Benchmark est un actif chinois, mais ils sont définitivement un atout pour la Chine.
– Delian Asparouhov, Founders Fund
Certains, comme Bill Gurley, associé chez Benchmark, estiment que couper les ponts avec la Chine pourrait nuire à l’innovation américaine. Gurley a critiqué les restrictions sur les exportations de puces Nvidia, arguant qu’elles accélèrent paradoxalement le développement de l’IA chinoise. Ce débat illustre la tension entre compétition technologique et collaboration mondiale.
Les Défis de la Régulation des Investissements
Le cas de Manus AI met en lumière les difficultés d’appliquer des réglementations dans un secteur aussi dynamique que la technologie. Les processus de revue des investissements, souvent lents, peuvent freiner l’innovation. Comme le note Semafor, un retard d’une seule journée peut faire échouer une levée de fonds dans l’industrie tech, où tout va vite. Pourtant, ignorer les implications de sécurité nationale n’est pas une option.
Les points clés de la régulation incluent :
- Notification obligatoire pour les investissements dans l’IA et autres technologies sensibles.
- Focus sur les pays préoccupants, notamment la Chine, la Russie et l’Iran.
- Complexité des structures d’entreprise, comme les enregistrements offshore, qui brouillent les pistes.
Pour les startups, cela signifie une vigilance accrue lors de la recherche de financements. Les investisseurs, quant à eux, doivent naviguer entre opportunités lucratives et contraintes réglementaires. Benchmark, connu pour ses paris gagnants sur Uber, Twitter et Snap, pourrait devoir justifier pourquoi il n’a pas notifié le Trésor de cet investissement.
Quel Avenir pour Manus AI et les Startups Chinoises ?
Pour Manus AI, l’enjeu est de taille. La startup ambitionne de s’étendre aux États-Unis, au Japon et au Moyen-Orient, mais l’enquête du Trésor pourrait compliquer ses plans. Déjà, ses dirigeants envisagent de déplacer leur siège hors de Chine, selon The Information. Cette stratégie pourrait apaiser les préoccupations des régulateurs tout en facilitant l’accès aux marchés internationaux.
Plus largement, cette affaire reflète les défis auxquels sont confrontées les startups chinoises dans un climat de tensions géopolitiques. Malgré des financements moindres que leurs homologues américaines (1/6e selon certains observateurs), des sanctions et une mauvaise presse, des entreprises comme Manus, DeepSeek ou Kling démontrent un potentiel impressionnant. Leur capacité à innover, souvent avec des ressources limitées, force le respect et alimente les craintes d’une domination chinoise dans l’IA.
Les forces de Manus AI incluent :
- Coût compétitif : chaque tâche coûte environ 2 dollars, contre 20 dollars pour DeepResearch de ChatGPT.
- Interface intuitive : adaptée aux utilisateurs sans compétences en codage.
- Transparence : les sessions sont rejouables et partageables, renforçant l’expérience utilisateur.
Le Rôle des Investisseurs dans la Course à l’IA
Les investisseurs comme Benchmark jouent un rôle crucial dans la course mondiale à l’IA. Leur capacité à identifier les pépites technologiques peut façonner l’avenir de l’industrie. Cependant, ils doivent désormais composer avec des pressions politiques et des impératifs de sécurité nationale. Josh Wolfe, cofondateur de Lux Capital, a qualifié l’investissement dans Manus de « dénué de sens », reflétant un clivage au sein de la Silicon Valley entre ceux qui prônent une collaboration mondiale et ceux qui privilégient une approche nationaliste.
Pour les entrepreneurs et marketeurs, cette affaire offre des leçons précieuses :
- Anticiper les régulations : comprendre les lois locales et internationales avant de lever des fonds.
- Soigner la perception : un investissement controversé peut nuire à la réputation d’une startup.
- Diversifier les investisseurs : éviter une dépendance excessive à un seul marché ou fonds.
Conclusion : Une Nouvelle Ère pour l’IA et les Investissements
L’enquête sur l’investissement de Benchmark dans Manus AI illustre les défis d’un monde où la technologie et la géopolitique sont indissociables. Pour les startups, les investisseurs et les passionnés de technologie, cette affaire est un rappel que l’innovation ne se limite pas au code ou aux algorithmes : elle implique des choix stratégiques, éthiques et politiques. Alors que la Chine et les États-Unis continuent de rivaliser pour la domination de l’IA, une chose est sûre : chaque dollar investi comptera, et chaque décision sera scrutée.
Qu’en pensez-vous ? Les restrictions sur les investissements dans l’IA chinoise sont-elles justifiées, ou risquent-elles de freiner l’innovation mondiale ? Partagez vos idées dans les commentaires !