Alors que nous pensions avoir traversé le pire en termes de licenciements dans le secteur de la tech suite aux vagues massives de 2022 et 2023, force est de constater que 2024 n’échappe pas à ce phénomène inquiétant. Depuis le début de l’année, ce sont déjà plus de 60 000 emplois qui ont été supprimés dans 254 entreprises technologiques selon le site Layoffs.fyi qui recense ces données. Des mastodontes comme Amazon, Google, Intel, TikTok ou encore Microsoft ont procédé à des coupes franches dans leurs effectifs. Et les startups ne sont pas épargnées, certaines mettant même la clé sous la porte.
Des licenciements records en 2022 et 2023
Pour bien comprendre la situation actuelle, il faut rappeler le contexte des deux années précédentes. En 2022 et 2023, le secteur de la tech a été frappé de plein fouet par des plans sociaux d’une ampleur inédite. Meta (Facebook), Twitter, Stripe, Lyft, Coinbase… De nombreux géants et licornes ont dû se résoudre à tailler dans leurs effectifs pour faire face au ralentissement économique et à la pression des investisseurs.
En 2022, il y a eu 1 024 plans de licenciement dans la tech, affectant 154 256 employés au total.
Cette tendance s’est poursuivie en 2023, avec 1 491 entreprises technologiques qui ont supprimé 239 132 postes. Des chiffres vertigineux qui illustrent la crise traversée par le secteur, après des années de croissance effrénée et de recrutements massifs.
2024 : les licenciements se poursuivent
Malheureusement, 2024 semble partie pour battre de tristes records. Alors que nous ne sommes qu’en août, le cap des 60 000 suppressions d’emploi a déjà été franchi. Et pas un mois ne se passe sans son lot d’annonces de plans sociaux :
- En janvier, Amazon a supprimé des centaines de postes dans ses divisions santé et pharmacie, après avoir déjà licencié 10 000 personnes fin 2023.
- En février, c’est Intel qui a annoncé la suppression de 15 000 emplois, soit 15% de ses effectifs mondiaux. Son rival AMD a aussi procédé à des coupes.
- Google a enchaîné les vagues de licenciements, touchant ses équipes hardware, son assistant vocal, sa division Cloud…
- Microsoft a supprimé 1 900 postes dans ses studios de jeux vidéo après le rachat d’Activision-Blizzard. D’autres coupes ont eu lieu chez Xbox et dans d’autres divisions.
Et la liste est encore longue : Meta, Twitter (rebaptisé X), TikTok, Snap, Twitch, SAP, PayPal, Wayfair, DocuSign… Rares sont les acteurs majeurs épargnés par ces réductions d’effectifs.
Les startups dans la tourmente
Si les géants de la Silicon Valley font les gros titres avec leurs plans sociaux massifs, il ne faut pas oublier que de nombreuses startups technologiques sont aussi confrontées à de grandes difficultés. Qu’il s’agisse de jeunes pousses ou de scale-up bien établies, elles n’échappent pas à la morosité ambiante. Levées de fonds en berne, valorisations en chute libre, rentabilité qui se fait attendre… Beaucoup doivent se serrer la ceinture pour survivre.
Certaines jettent carrément l’éponge, à l’image d’Oda, spécialiste norvégien de la livraison de courses en ligne, qui vient de licencier 150 personnes avant de mettre la clé sous la porte. Ou de l’américain Gopuff qui a supprimé 6% de ses effectifs, quelques mois après d’autres coupes. Sans parler de Getaround qui a viré 30% de ses salariés ou de Meati Foods (13%).
L’IA et l’automatisation, facteurs aggravants ?
Au-delà de la conjoncture économique défavorable, un autre phénomène inquiète : la montée en puissance de l’intelligence artificielle et de l’automatisation. De plus en plus de tâches auparavant réalisées par des humains sont désormais prises en charge par des algorithmes et des robots. Une tendance qui s’accélère et qui pourrait menacer encore plus d’emplois dans le secteur tech à l’avenir.
IBM a annoncé une stratégie visant à remplacer jusqu’à 8 000 postes par de l’IA.
On voit par exemple Turnitin, spécialiste des outils anti-plagiat, qui a licencié 15 personnes après avoir déclaré que l’IA lui permettrait de réduire ses effectifs de 20%. Ou Duolingo qui s’est séparée de 10% de ses traducteurs et rédacteurs en se tournant vers l’IA générative pour produire ses contenus. Une tendance qui ne fait que commencer…
Et les salariés dans tout ça ?
Ces chiffres et ces tendances ne doivent pas faire oublier l’essentiel : derrière chaque licenciement, il y a des femmes et des hommes qui perdent leur emploi, parfois du jour au lendemain. Des personnes qui se retrouvent dans des situations difficiles, devant rebondir et retrouver un travail dans un marché tendu. Ces plans sociaux ont un impact social considérable, brisant des vies et des familles.
Il est important de garder cela à l’esprit au-delà de la froideur des statistiques. Et de s’interroger sur les raisons qui poussent ces entreprises, souvent florissantes et disposant de moyens colossaux, à sacrifier leurs collaborateurs de la sorte. Course à la rentabilité, pression des marchés, changements stratégiques, appétit démesuré pour les nouvelles technologies… A quel prix et pour quel bénéfice sociétal au final ?
Une chose est sûre : 2024 restera comme une année noire pour l’emploi dans la tech. Et malheureusement, rien n’indique que cette spirale infernale des licenciements soit sur le point de s’arrêter. Au contraire, avec la montée en puissance de l’IA et de l’automatisation, on peut craindre que le pire soit encore à venir pour les salariés du secteur. Un constat alarmant qui appelle à une prise de conscience et à des actions fortes pour préserver l’humain au cœur de cette révolution technologique. L’avenir nous dira si le secteur aura su tirer les leçons de cette crise sans précédent.