Alors que nous pensions avoir traversé le pire en termes de licenciements dans le secteur technologique ces dernières années, force est de constater que 2024 n’échappe pas à cette tendance lourde. Depuis le début de l’année, ce sont plus de 60 000 emplois qui ont été supprimés dans 254 entreprises selon le décompte du site Layoffs.fyi. Des mastodontes comme Tesla, Amazon, Google ou encore Microsoft ont procédé à d’importantes réductions d’effectifs, tandis que de nombreuses startups ont également dû se séparer d’une partie de leurs collaborateurs pour faire face aux difficultés économiques.
Cette vague de licenciements met en lumière les défis auxquels est confrontée l’industrie technologique, entre ralentissement de la croissance, concurrence exacerbée et rentabilité qui se fait attendre pour de nombreuses jeunes pousses. Mais elle soulève aussi des questions sur l’impact de l’automatisation et de l’intelligence artificielle, qui pourraient à terme remplacer certains métiers jusqu’ici épargnés.
Des géants tech sous pression
Même les entreprises les plus solides n’ont pas été épargnées par les licenciements massifs en ce début d’année 2024. En janvier, Microsoft a annoncé la suppression de 1900 postes au sein de ses divisions gaming suite au rachat d’Activision-Blizzard. Chez Google, ce sont les équipes dédiées à l’assistant vocal, au hardware et au cloud qui ont été concernées, avec plusieurs centaines d’employés remerciés.
Amazon a également procédé à d’importantes coupes budgétaires, avec le licenciement de centaines de salariés dans ses filiales Prime Video, MGM Studios et Twitch. Quant à Meta (ex-Facebook), l’entreprise a supprimé plus de 6000 postes depuis le début 2024 après avoir déjà réduit ses effectifs de 11 000 personnes fin 2023.
Nos revenus n’ont pas augmenté comme prévu et nous n’avons pas encore pleinement bénéficié de tendances puissantes, comme l’IA.
Pat Gelsinger, CEO d’Intel, qui a supprimé 15 000 postes en janvier.
Startups en difficulté
Du côté des startups et des scale-ups, la situation est tout aussi préoccupante. Selon Layoffs.fyi, plus d’un millier de jeunes entreprises technologiques dans le monde ont dû réduire leurs effectifs depuis janvier 2024. En cause : des valorisations en berne, des levées de fonds plus difficiles et des perspectives de rentabilité qui s’éloignent pour bon nombre d’entre elles.
Parmi les licenciements les plus notables :
- Le spécialiste de la livraison de courses Instacart a supprimé 250 postes.
- La plateforme d’e-commerce Wayfair a licencié 1650 employés, soit 13% de ses effectifs.
- L’éditeur de logiciels de gestion RH Brex s’est séparé de 282 salariés (20% du total).
Certaines entreprises ont même dû fermer boutique, à l’image de la startup indienne Gro Intelligence spécialisée dans les données agricoles ou de la société américaine de logiciels de design InVision qui a mis la clé sous la porte après 12 ans d’existence.
Une tendance mondiale
Si la Silicon Valley concentre une grande partie des licenciements, l’Europe et l’Asie ne sont pas en reste. En France, des scale-ups comme Qonto, Spendesk ou Luko ont récemment réduit leurs effectifs, tandis qu’en Inde, le géant Byju’s a supprimé 1000 postes et son concurrent Unacademy 350. La tendance est similaire en Allemagne, au Royaume-Uni ou encore en Israël.
Nous devons bâtir une entreprise plus durable et efficace. Cela implique de prendre des décisions difficiles pour réduire nos coûts.
Daniel Ek, CEO de Spotify, suite à la suppression de 6% des effectifs en janvier.
Quel avenir pour le secteur tech ?
Si les licenciements massifs font les gros titres, ils ne doivent pas occulter le fait que le secteur technologique reste globalement créateur d’emplois. Aux États-Unis, le nombre de postes dans la tech a augmenté de 5,4% en 2024 selon CompTIA. Certains profils très recherchés, comme les ingénieurs en IA, les scientifiques des données ou les développeurs blockchain, ne connaissent pas la crise.
Néanmoins, la vague de licenciements met en lumière les fragilités d’un secteur qui a connu une croissance effrénée ces dernières années sans toujours se soucier de rentabilité. À l’heure où l’argent facile se fait plus rare, bon nombre d’entreprises technologiques vont devoir revoir leur modèle et se montrer plus efficientes pour rester dans la course.
Autre enjeu majeur pour le futur : l’impact des technologies d’automatisation et d’intelligence artificielle qui pourraient, à terme, remplacer certains emplois du secteur. Si les postes créatifs et stratégiques semblent pour l’instant à l’abri, d’autres fonctions plus répétitives ou routinières pourraient être menacées. Une évolution à suivre de près dans les années à venir.
Une chose est sûre : après des années d’hypercroissance, le secteur technologique est entré dans une phase de maturité et de consolidation. Les licenciements massifs de 2024 en sont le symptôme le plus visible. Aux entreprises de s’adapter pour rester compétitives dans ce nouvel environnement.