Le géant de la recommandation en ligne Yelp soulève une vague de mécontentement chez les développeurs indépendants. En cause : l’imposition soudaine de tarifs élevés pour l’utilisation de son API, couplée à un manque de transparence et des délais de transition extrêmement courts. Cette décision unilatérale de Yelp met en péril de nombreuses startups et applications tierces qui s’étaient bâties autour de sa plateforme.
Un changement brutal de modèle économique
Jusqu’à présent, Yelp offrait un accès gratuit et illimité à son API pour les développeurs. Cela a permis l’émergence d’un véritable écosystème d’applications et de services innovants exploitant les données de Yelp. Restaurants, Yelp Fusion, Food Genie… autant de projets qui ont pu voir le jour grâce à cette ouverture. Mais le 19 juillet dernier, Yelp a envoyé un email à une sélection de développeurs pour leur annoncer le passage à des comptes payants sous 4 jours, sous peine de voir leur accès à l’API coupé.
Si nous n’avons pas de vos nouvelles avant le 23/07 à 16h, nous désactiverons temporairement votre clé API jusqu’à réception d’une réponse.
– Extrait de l’email de Yelp aux développeurs
En réponse aux développeurs demandant plus d’informations, Yelp a envoyé une grille tarifaire débutant à 229$ par mois pour 1000 requêtes API quotidiennes. Des montants rédhibitoires pour de nombreuses petites structures. Le développeur de Food Genie explique ainsi que son application à 0,99$ n’utilisait que quelques centaines d’appels par jour. Impossible de rentabiliser un tel coût.
Un manque de transparence et de considération
Au-delà des tarifs en eux-mêmes, c’est surtout la façon de procéder de Yelp qui choque les développeurs :
- Communication laconique et menaçante
- Délai de 4 jours seulement pour s’adapter
- Grille tarifaire incomplète envoyée uniquement sur demande
- Absence de réponse aux questions et inquiétudes des développeurs
Certains, comme David Kopec qui avait développé une app pour trouver des restaurants, ont préféré purement et simplement abandonner leur projet. D’autres envisagent de migrer vers d’autres sources de données. Mais tous s’accordent sur le fait que Yelp aurait pu gérer cette transition de façon beaucoup plus progressive et transparente.
Des excuses qui ne suffisent pas
Face au tollé, Yelp a fini par réagir en envoyant un email d’excuses le jeudi suivant. La firme accorde finalement un délai supplémentaire de 90 jours aux développeurs concernés pour s’adapter. Mais pour beaucoup, le mal est fait. La confiance est rompue et ce revirement apparaît comme un simple coup de communication.
Nous sommes désolés pour les désagréments ou frustrations que cette transition écourtée a pu causer.
– Yelp dans son email d’excuses aux développeurs
D’autant que Yelp maintient le flou sur de nombreux points. Quelles seront exactement les modalités tarifaires finales ? Quels critères pour juger de l’éligibilité à une offre plutôt qu’une autre ? Comment les petits acteurs seront-ils accompagnés ? Autant de questions restées sans réponses claires.
Un avenir incertain pour les API ouvertes
Ce triste épisode rappelle que la dépendance à des plateformes tierces est toujours un risque pour les startups et les développeurs. Combien de projets ont ainsi vu leur modèle économique s’effondrer suite aux revirements de Twitter, Facebook ou autre ? Les API peuvent fermer ou devenir payantes du jour au lendemain.
Le besoin de monétisation des géants du web, renforcé par l’arrivée de l’IA et ses coûts d’infrastructure, laisse craindre une tendance à la restriction des accès. Beaucoup font le parallèle avec les récents changements d’API de Twitter/X et Reddit. Mais en négligeant leur écosystème de développeurs, ces acteurs ne scient-ils pas la branche sur laquelle ils sont assis ? L’innovation ouverte et collaborative ne devrait-elle pas être encouragée ?
Une chose est sûre, cet épisode Yelp laissera des traces. Il pousse les développeurs à repenser leur dépendance aux API. À privilégier les solutions open source et décentralisées. Et à toujours avoir un plan B pour le jour où les conditions changent. Car dans le monde des plateformes, les certitudes sont fragiles.