Le scandale qui secoue Samsung depuis plusieurs années atteint son paroxysme. Les procureurs sud-coréens ont demandé une peine de 5 ans de prison et une amende de 375 000 dollars à l’encontre de Jay Y. Lee, le patron tout puissant de Samsung Electronics. Cette requête intervient dans le cadre d’un procès en appel portant sur une fusion controversée datant de 2015.
Un feuilleton judiciaire qui n’en finit pas
Le procès de Jay Lee n’est que le dernier rebondissement d’une saga qui dure depuis des années. Les accusations portent sur des manipulations de cours boursiers et de la fraude comptable liées à la fusion en 2015 de deux filiales de Samsung, Cheil Industries et Samsung C&T. Selon les procureurs, cette opération avait pour but de permettre à Jay Lee de renforcer son emprise sur le conglomérat.
En novembre 2022, Jay Lee et 13 autres cadres de Samsung avaient été acquittés en première instance. Mais le parquet a fait appel, estimant que cette fusion favorisait l’intérêt personnel des dirigeants au détriment de celui des actionnaires. Une décision en appel est attendue début 2025.
La décision dans cette affaire servira de point de référence pour la restructuration des entreprises chaebol et pour la comptabilité à l’avenir.
Procureurs sud-coréens
Un procès révélateur des défis de Samsung
Ce procès tombe à un moment délicat pour Samsung Electronics, le numéro un mondial des puces mémoires, qui doit faire face à une baisse de ses profits. Il illustre aussi les efforts encore timides de la Corée du Sud pour réformer la gouvernance de ses « chaebol », ces conglomérats familiaux qui dominent l’économie nationale.
- Samsung est le fleuron de l’industrie sud-coréenne mais sa gouvernance est souvent critiquée
- Les « chaebol » sont des empires tentaculaires contrôlés par des dynasties familiales
- Des réformes sont en cours pour améliorer leur transparence et leur conformité aux règles
L’issue de ce procès aura des répercussions majeures, non seulement pour Samsung et l’électronique grand public coréenne, mais aussi pour la concurrence au sein de l’écosystème technologique du pays, startups comprises. La Corée du Sud cherche en effet à favoriser l’émergence de nouveaux champions nationaux de la tech.
Jay Lee clame son innocence
De son côté, Jay Lee a toujours nié les accusations de malversations. Lors d’une audience en novembre 2023, il a affirmé que le processus de fusion était conforme aux procédures opérationnelles standard de l’entreprise.
Mais les procureurs ne l’entendent pas de cette oreille. Pour eux, cette fusion orchestrée par Lee et son entourage avait pour unique but de lui transférer le contrôle du groupe au détriment des autres parties prenantes. Ils dénoncent des moyens « illégaux et expéditifs » pour servir les intérêts de la famille fondatrice.
Le prévenu a porté atteinte au fondement du marché des capitaux pour sa succession au sein du groupe.
Procureurs sud-coréens
Un groupe dans la tourmente
Ce n’est pas la première fois que Jay Lee a maille à partir avec la justice. Il avait déjà été condamné en 2017 dans le cadre du scandale « Choi Gate » qui avait précipité la destitution de l’ancienne présidente Park Geun-hye. Il était accusé de corruption et détournement de fonds.
Cela n’a pas empêché ce dauphin de la dynastie Samsung d’accéder l’année dernière aux commandes opérationnelles du groupe fondé par son grand-père. Un groupe qui traverse une passe difficile avec le ralentissement du marché des smartphones et des semi-conducteurs.
- Le bénéfice opérationnel de Samsung Electronics a chuté de 69% au 1er trimestre 2023
- Le groupe multiplie les plans sociaux, y compris dans sa division mobile
- Samsung mise sur l’IA et les technologies émergentes pour rebondir
Le procès de Jay Lee est donc un test crucial pour Samsung, à l’heure où le mastodonte cherche à se réinventer dans un paysage technologique en pleine mutation. Son issue dira si le patron controversé pourra mener cette transition majeure en gardant les mains libres.
Une chose est sûre : de l’aveu même des procureurs, cette affaire fera jurisprudence pour la gouvernance des grands conglomérats sud-coréens. Des pratiques douteuses qui appartiennent peut-être bientôt au passé, pour le meilleur et pour le pire.