Imaginez un monde où la viande que vous consommez ne provient pas d’animaux abattus, mais de cellules cultivées en laboratoire. C’est la promesse de l’industrie de la viande cultivée, qui a attiré plus de 1,6 milliard de dollars d’investissements ces dernières années. Pourtant, malgré cet engouement, le secteur est confronté à des défis de taille pour passer à l’échelle industrielle et conquérir les consommateurs.
Des obstacles techniques et financiers
Produire de la viande à partir de cellules souches animales nourries dans des bioréacteurs n’est pas une mince affaire. Les entreprises doivent résoudre des problèmes d’ingénierie complexes pour augmenter les volumes et réduire les coûts. Elles doivent aussi trouver des alternatives aux milieux de culture cellulaire onéreux. Sans oublier les installations de production qui coûtent des centaines de millions de dollars.
Changer le monde et réinventer le système alimentaire est difficile, c’est probablement la conclusion la moins choquante à laquelle on puisse arriver.
– Amy Chen, Directrice des opérations d’Upside Foods
À cela s’ajoute un environnement de financement difficile, les investisseurs privilégiant désormais la rentabilité à la croissance. Résultat : des licenciements et des projets d’usines abandonnés pour de nombreuses startups. L’objectif de voir de la viande de culture dans les supermarchés d’ici la fin des années 2020 semble désormais irréaliste selon les experts.
Un cadre réglementaire en construction
Autre frein majeur : l’absence de réglementation claire. Très peu d’entreprises ont obtenu une approbation pour vendre leur viande cultivée aux consommateurs, et uniquement à Singapour et aux États-Unis pour l’instant. Les discussions avec les autorités sont longues et complexes, même si des progrès sont réalisés.
Quand nous avons obtenu la première approbation de la FDA, cela a plus ou moins répondu à la question « Est-ce que ça pourrait être approuvé un jour et est-ce que c’est sûr ? ». Maintenant, pour nos produits de nouvelle génération, c’est plus une question de « quand » que de « si ».
– Amy Chen, Directrice des opérations d’Upside Foods
Convaincre les consommateurs
Enfin, il faudra surmonter les réticences des consommateurs, prompts à qualifier ces produits de « Frankenviande » ou de « simili-viande ». Des tests en restaurant ont montré que l’acceptation du grand public n’est pas gagnée. Un gros travail d’éducation et de transparence sera nécessaire.
- Plus de recherches scientifiques publiées
- Une grande transparence des entreprises
- Des dégustations pour familiariser les consommateurs
Des raisons d’espérer
Malgré ces défis, les acteurs de la viande cultivée restent optimistes. Ils soulignent les progrès fulgurants réalisés pour réduire les coûts. Et espèrent un soutien croissant des gouvernements, conscients des enjeux de sécurité alimentaire alors que la population mondiale approche les 10 milliards.
Nous n’avons rien de magique à faire. Nous devons juste faire le travail nécessaire pour augmenter les densités cellulaires, réduire les coûts des milieux, construire une infrastructure moins chère et obtenir l’acceptation des consommateurs.
– Josh Tetrick, Fondateur et PDG d’Eat Just
Le pari est audacieux. Mais au vu des immenses défis environnementaux et éthiques posés par l’élevage industriel, l’urgence d’inventer une nouvelle façon de produire des protéines animales n’a jamais été aussi grande. L’avenir nous dira si la viande cultivée en laboratoire parviendra à tenir ses promesses.