Bench Facture-t-il Deux Fois ses Clients ? Décryptage

Imaginez-vous lancer votre startup, confier vos finances à une plateforme prometteuse, et découvrir un jour que vous devez payer une seconde fois pour des services déjà réglés. C’est l’histoire troublante qui secoue certains clients de Bench, une fintech spécialisée dans la comptabilité automatisée. Rachetée fin 2024 par Employer.com après une faillite retentissante, cette entreprise fait aujourd’hui face à des accusations graves : des clients affirment être refacturés pour des prestations qu’ils avaient déjà payées. Entre promesses non tenues et litiges judiciaires, ce scandale soulève des questions cruciales sur la confiance dans les startups technologiques. Plongeons dans cette affaire qui mêle innovation, gestion financière et éthique entrepreneuriale.

Une Promesse d’Honneur Bafouée ?

Lorsque Employer.com a repris Bench pour 9 millions de dollars en décembre 2024, son PDG, Jesse Tinsley, s’est empressé de rassurer les clients. Sur LinkedIn et dans des interviews, il a juré qu’aucun utilisateur ayant prépayé des services ne serait lésé. Une déclaration ambitieuse, presque chevaleresque, dans un contexte où la startup canadienne venait de s’effondrer sous le poids de 135 millions de dollars de dettes. Mais la réalité semble bien différente. Des témoignages et une plainte déposée récemment suggèrent que cette promesse pourrait n’être qu’un écran de fumée.

« Nous honorons tous les services prépayés de Bench, même si nous n’en tirons pas directement les revenus. »

– Jesse Tinsley, PDG d’Employer.com

Cette citation, relayée par des médias comme TechCrunch, contraste vivement avec les expériences rapportées par certains clients. Que s’est-il passé entre cette annonce et les factures surprises reçues par des entrepreneurs déjà fragilisés par la fermeture brutale de Bench ?

Des Clients Pris au Piège

Parmi les victimes présumées, Qorum, une entreprise cliente, a porté l’affaire devant la justice. Selon leur plainte déposée le 11 mars 2025, Bench leur aurait exigé un nouvel abonnement pour obtenir leur déclaration fiscale 2023, un service qu’ils avaient réglé sous l’ancienne direction. Andrew Pietra, fondateur de Qorum, a confié à TechCrunch son indignation : devoir payer encore pour récupérer ce qui lui était dû était un coup dur. Un autre client, resté anonyme, raconte une expérience similaire : deux ans après avoir payé pour ses livres comptables, on lui a demandé de renouveler son abonnement pour les recevoir.

Face à ces accusations, Employer.com se défend. Matt Charney, directeur marketing, insiste : « Nous respectons les services prépayés. » Il affirme même que la déclaration de Qorum a été livrée sans frais supplémentaires. Mais les preuves semblent contredire cette version, laissant planer un doute sur la sincérité de l’entreprise.

Une Faillite aux Racines Profondes

Pour comprendre cette débâcle, il faut remonter aux origines de la crise. Bench, fondée au Canada, avait levé des fonds colossaux – 135 millions de dollars – avec une ambition : révolutionner la comptabilité grâce à l’intelligence artificielle. L’idée était séduisante : remplacer les humains par des algorithmes pour offrir un service rapide et abordable. Mais la réalité a rattrapé l’utopie. Les anciens employés confessent que l’IA n’a jamais tenu ses promesses, accumulant retards et erreurs. Résultat ? Des piles de livres comptables inachevés et des clients furieux.

La situation a dégénéré en décembre 2024, lorsque la Banque Nationale du Canada, principal créancier avec 51 millions de dollars prêtés, a refusé d’injecter 7,7 millions supplémentaires. Sans liquidités, Bench a fermé ses portes le 26 décembre, laissant des milliers d’entrepreneurs dans l’incertitude. Employer.com est alors entré en scène, rachetant les restes pour une bouchée de pain. Une aubaine… ou un piège ?

Un Modèle Économique Sous Tension

Le rachat par Employer.com pose une question essentielle : comment une entreprise peut-elle honorer des engagements passés sans en tirer de revenus ? Pour beaucoup, la réponse est simple : elle ne le peut pas. La stratégie semble avoir été de pousser les clients à souscrire de nouveaux contrats sous peine de perdre accès à leurs données. Une pratique qui, si elle est confirmée, frôle l’extorsion déguisée.

Certains clients ont aussi reçu des notifications les incitant à renoncer à leurs droits à un remboursement. Un clic sur un bouton, et hop, adieu les recours. Une tactique astucieuse, mais qui pourrait coûter cher en termes de réputation à une startup cherchant à se refaire une image.

Les Leçons pour les Entrepreneurs

Ce scandale n’est pas qu’une anecdote dans l’univers des startups. Il porte en lui des enseignements précieux pour toute entreprise, qu’elle soit cliente ou prestataire. Voici ce qu’on peut en tirer :

  • La transparence est reine : promettre sans pouvoir tenir est une bombe à retardement.
  • Vérifiez vos contrats : les clauses en petits caractères peuvent devenir des pièges.
  • La technologie ne fait pas tout : l’IA, aussi séduisante soit-elle, a ses limites.

Pour les entrepreneurs qui confient leurs finances à des outils comme Bench, cette affaire rappelle l’importance de la vigilance. Une startup peut briller par son marketing, mais c’est sa solidité opérationnelle qui compte.

L’IA en Comptabilité : Miracle ou Mirage ?

Bench misait gros sur l’automatisation. Mais son échec montre que l’intelligence artificielle, malgré ses avancées, n’est pas encore prête à remplacer totalement l’expertise humaine. Les algorithmes peuvent trier des données, mais gérer les imprévus ou les cas complexes reste un défi. Cette leçon dépasse Bench : elle concerne toutes les fintechs qui promettent monts et merveilles grâce à l’IA.

Pourtant, l’idée n’est pas à jeter. Des concurrents comme Klarna, qui vient de déposer son dossier pour une IPO prometteuse, prouvent que l’innovation peut réussir quand elle est bien exécutée. La clé ? Un équilibre entre technologie et intervention humaine.

Et Maintenant ?

Alors que l’enquête avance et que les plaintes s’accumulent, l’avenir de Bench sous Employer.com reste incertain. Les clients lésés obtiendront-ils justice ? L’entreprise parviendra-t-elle à redorer son blason ? Une chose est sûre : cette affaire marque un tournant dans la perception des startups fintech. Les promesses d’efficacité et de disruption ne suffisent plus ; les entrepreneurs exigent désormais des preuves tangibles.

Pour les professionnels du marketing et de la tech, c’est aussi un rappel : la confiance est un capital fragile. Une campagne bien ficelée ne peut masquer indéfiniment des failles opérationnelles. À l’heure où l’IA et les startups redéfinissent le business, cette histoire nous invite à garder les pieds sur terre.

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