Dans l’industrie très stratégique des semiconducteurs, un séisme se prépare. Selon des informations rapportées par le Wall Street Journal, le géant américain Intel pourrait voir son activité morcelée entre plusieurs acquéreurs. Broadcom et le taïwanais TSMC explorent en effet des deals qui aboutiraient à un démantèlement du pionnier historique des microprocesseurs.
Broadcom lorgne les activités de conception de puces d’Intel
Broadcom, géant des semiconducteurs basé en Californie, s’intéresserait en particulier aux activités de conception et de marketing de puces d’Intel. L’entreprise chercherait un partenaire pour reprendre les unités de production.
Intel, fondé en 1968, a longtemps dominé le marché des microprocesseurs pour PC et serveurs. Mais ces dernières années, le groupe a pris du retard face à des concurrents plus agiles comme AMD ou Nvidia. Sa stratégie de maîtrise de toute la chaîne de valeur, de la conception à la fabrication, est remise en cause par le succès du modèle « fabless » où les puces sont développées en interne mais produites par des fonderies tierces.
TSMC intéressé par les usines de production d’Intel
C’est là qu’intervient TSMC, le plus grand fabricant mondial de semiconducteurs. Selon le WSJ, le groupe taïwanais envisage de prendre le contrôle de tout ou partie des usines d’Intel, éventuellement dans le cadre d’un consortium d’investisseurs.
TSMC produit déjà des puces pour de nombreuses entreprises technologiques comme Apple, Nvidia, AMD ou Qualcomm, qui se concentrent sur la conception. En mettant la main sur les capacités de production d’Intel, TSMC renforcerait encore sa position dominante dans un marché en plein boom avec la demande exponentielle pour l’IA, la 5G ou les objets connectés.
Des discussions encore préliminaires mais stratégiques
Pour l’heure, les discussions entre les différents acteurs restent exploratoires et aucune offre concrète n’aurait été soumise à Intel. Mais ces manœuvres illustrent les bouleversements à l’œuvre dans une industrie devenue un enjeu majeur de souveraineté technologique.
Les États-Unis cherchent notamment à réduire leur dépendance envers l’Asie, et en particulier Taïwan, pour leur approvisionnement en semiconducteurs. Ils ont débloqué des dizaines de milliards de subventions pour relocaliser des usines sur le sol américain.
Un responsable de la Maison Blanche a indiqué qu’il était peu probable que l’administration soutienne un accord qui placerait une entité étrangère aux commandes des usines d’Intel.
Wall Street Journal
Intel en difficulté, une proie de choix
La fragilité d’Intel en fait une cible de choix pour une consolidation du secteur. En septembre, le WSJ rapportait déjà que Qualcomm avait approché Intel pour un rachat. Le groupe a vu son chiffre d’affaires et ses bénéfices s’effondrer avec la crise du PC et des erreurs stratégiques.
Son action a perdu plus de 50% depuis ses sommets de 2021. Une perte de valeur qui ouvre des opportunités pour ses rivaux et les fonds d’investissement, attirés par les compétences et la propriété intellectuelle d’Intel en matière de conception et production de puces.
L’avenir de l’industrie des semiconducteurs en jeu
Ce « dépeçage » potentiel d’un fleuron technologique américain fait écho au rachat très politique d’ARM, concepteur britannique de puces, par le groupe américain Nvidia. Une opération finalement abandonnée face à l’opposition des autorités de régulation.
Avec les affaires Intel, Broadcom et TSMC, c’est l’avenir de toute l’industrie mondiale des semiconducteurs qui est en jeu, avec des conséquences majeures en termes de:
- Leadership technologique et contrôle de l’innovation
- Sécurité d’approvisionnement des entreprises et des États
- Rapport de force économique et géopolitique entre les USA, la Chine et Taïwan
Dans ce bras de fer mondial autour des puces, Intel fait figure de maillon faible malgré son passé glorieux. Son éventuel rachat et démantèlement marquerait un tournant historique pour la tech. La partie est loin d’être terminée et promet d’autres rebondissements dans les prochains mois.