Alors que l’écosystème des startups en Europe continue de faire face aux défis économiques et géopolitiques, le dernier rapport « State of European Tech » du fonds de capital-risque Atomico brosse un tableau mitigé du financement des jeunes pousses du Vieux Continent en 2024. Malgré une stabilisation après la chute brutale de 2023, les 45 milliards de dollars levés cette année restent en retrait de 2 milliards par rapport à l’an dernier, signe que des temps difficiles se profilent encore à l’horizon pour les entrepreneurs technologiques européens.
Un écosystème tech en plein essor, mais des défis persistants
Si l’on en croit les chiffres d’Atomico, qui publie ce rapport annuellement depuis une décennie, la scène tech européenne a connu une croissance fulgurante ces dernières années. Le nombre de startups en phase d’amorçage a été multiplié par 4,5 depuis 2015, passant de 7800 à 35 000, tandis que les scale-ups en phase avancée sont passées de 450 à 3400 sur la même période. Quant aux licornes tech valorisées à plus d’un milliard de dollars, leur population a presque quintuplé, de 72 à 358.
Pourtant, derrière ce boom apparent, des signes inquiétants émergent quant à la santé du financement des startups en Europe :
- Effondrement des exits : Avec seulement 3 milliards de dollars levés en introduction en bourse et 10 milliards en fusions-acquisitions sur les 10 premiers mois de 2024, les sorties se font rares pour les investisseurs. Les volumes de transactions sont au plus bas depuis 10 ans.
- Montée de la dette : Pour compenser le manque de financement en equity, les startups se tournent vers la dette. Celle-ci a représenté 14% des investissements, soit 4,7 milliards de dollars, contre 5,5% et 2,6 milliards en 2023.
- Valorisations sous pression : Malgré un rebond après le creux de 2023, les valorisations des startups européennes restent entre 30% et 50% inférieures à celles de leurs homologues américaines à stade de développement équivalent.
Une proportion record de 40% des fondateurs et 26% des investisseurs se disent moins confiants sur l’état du marché qu’il y a 12 mois.
– Atomico, State of European Tech 2024
Des tendances contrastées selon les stades et zones géographiques
Si les montants moyens levés par tour sont globalement repartis à la hausse après la baisse générale de 2023, on constate des disparités importantes :
- En série A, le ticket moyen atteint 10,6 millions de dollars contre 9,3 millions en 2023
- En série B, il grimpe à 25,4 millions contre 21,3 millions
- En série C, il bondit à 55 millions, contre 43 millions l’an dernier
Cependant, le rythme des levées ralentit, avec 20% de moins de startups bouclant un nouveau tour dans les 24 mois. En phase avancée, les fondateurs acceptent davantage la dilution en échange de plus gros tickets, tandis qu’en amorçage les valorisations baissent.
Du côté des géographies, le Royaume-Uni reste en tête, suivi par l’Allemagne et la France, tandis que certains écosystèmes plus jeunes comme l’Espagne marquent le pas. Les pays nordiques et baltes tirent leur épingle du jeu grâce à leur maturité en termes de capital-risque.
L’IA, lueur d’espoir dans un ciel nuageux ?
Face aux vents contraires macroéconomiques et géopolitiques, les espoirs se tournent vers l’intelligence artificielle comme relais de croissance pour la tech européenne. Les investissements dans l’IA ont continué leur progression en 2024, atteignant X milliards de dollars, portés par l’effervescence autour des modèles génératifs type GPT.
Les grands acteurs européens comme DeepMind (Google), Graphcore ou Stability AI lèvent des méga-rounds pour tenir la dragée haute aux géants américains et chinois. De jeunes pépites émergent également à l’image de Mistral AI ou Tinyman, qui développent des IA open-source.
Cependant, il reste à voir si cet engouement se traduira par des success stories industrielles et des créations d’emplois massives, dans un contexte de concurrence féroce et de course à l’armement technologique au niveau mondial. Pour beaucoup d’observateurs, l’Europe part avec un temps de retard et peine à faire émerger des champions à l’échelle des leaders américains et asiatiques.
Vers un retour à la normale en 2025 ?
Malgré les incertitudes persistantes, les signaux faibles d’une reprise se font jour sur le financement des startups européennes en cette fin d’année 2024. Les fonds de capital-risque disposent encore de réserves de « dry powder » conséquentes pour soutenir leurs participations et faire de nouveaux paris.
Le ralentissement de l’inflation et les perspectives de rebond de la croissance en 2025 laissent espérer un retour progressif de la confiance des investisseurs et des entrepreneurs. De grandes introductions en bourse comme celles de Revolut ou Wayve sont attendues et pourraient redonner des couleurs au marché des exits.
Reste à savoir si les leçons de la crise auront été retenues, avec des valorisations plus raisonnables, une meilleure maîtrise des coûts et une focalisation sur la génération de revenus et de profits. Une chose est sûre : dans cet environnement darwinien, seules les startups les plus solides et les plus agiles pourront tirer leur épingle du jeu. Rendez-vous dans un an pour un nouveau bilan !