Au cours des dernières décennies, l’Union européenne a mené certaines des plus grandes actions antitrust à l’encontre des géants de la technologie, infligeant des amendes record et remettant en question les pratiques commerciales de ces mastodontes. Alors que certains débats font rage sur l’innovation américaine versus la réglementation européenne, une chose est claire : le marché unique de l’UE a ses propres règles, et de nombreux poids lourds de la tech US s’y sont heurtés.
Le top 10 des actions antitrust de l’UE dans la tech
Voici un aperçu des 10 plus grandes actions antitrust de l’UE ciblant la tech, classées selon le montant de l’amende ou de la responsabilité encourue :
1. Les avantages fiscaux d’Apple en Irlande
En septembre 2018, Apple a dû verser la somme colossale de 13,1 milliards d’euros à l’UE, après que cette dernière ait poursuivi avec succès l’Irlande pour avoir accordé des avantages fiscaux illégaux à la firme à la pomme entre 1991 et 2014. Malgré les recours, la Cour de justice a confirmé en septembre 2024 la décision initiale de la Commission.
2. Les restrictions d’Android sur les fabricants
La microgestion par Google des logiciels préinstallés sur Android lui a valu une amende record de 4,125 milliards d’euros en 2018. Malgré un recours, le Tribunal a largement confirmé la décision initiale, rejetant la tentative de Google d’annuler la sanction.
3. L’autopromotion de Google Shopping
En juin 2017, Google a écopé d’une amende de 2,42 milliards d’euros pour avoir abusé de sa position dominante en favorisant son propre service de comparaison de prix Google Shopping, tout en rétrogradant activement les services concurrents dans ses résultats de recherche. La sanction a été confirmée par la Cour de justice en septembre 2024.
4. Les pratiques anti-steering d’Apple sur le streaming musical iOS
En mars 2024, l’UE a infligé à Apple une amende de 1,84 milliard d’euros pour avoir interdit aux développeurs d’informer les utilisateurs d’iPhone des offres moins chères disponibles en dehors de l’App Store. La majeure partie de la sanction a été appliquée en plus du calcul standard des dommages, dans le but de dissuader ce type de pratiques.
5. Les restrictions AdSense de Google
En mars 2019, Google a été sanctionné à hauteur de 1,49 milliard d’euros pour avoir utilisé des clauses restrictives dans les contrats avec ses clients entre 2006 et 2016, afin d’évincer les courtiers publicitaires concurrents. Cependant, en septembre 2024, le Tribunal a annulé la décision AdSense dans son intégralité en raison d’erreurs dans l’évaluation par la Commission de la durée des contrats de Google.
6. Le cartel des composants pour écrans d’ordinateurs et téléviseurs
En 2012, l’UE a infligé un total de 1,47 milliard d’euros d’amendes dans une affaire de cartel liée à la vente de composants utilisés dans la fabrication d’écrans d’ordinateurs et de téléviseurs. Plusieurs géants de l’électronique ont été impliqués dans l’entente sur les prix des tubes cathodiques entre 1996 et 2006.
7. Les pratiques d’exclusion du fabricant de puces Intel
En mai 2009, Intel a écopé d’une amende record de 1,06 milliard d’euros pour avoir abusé de sa position dominante afin d’exclure son rival AMD. Le géant américain des puces avait versé des paiements à des fabricants d’ordinateurs et des détaillants pour qu’ils retardent, annulent ou évitent d’utiliser ou de vendre les produits AMD. Après une décennie de batailles juridiques, l’amende a finalement été ramenée à 376,36 millions d’euros.
8. L’accord de Qualcomm avec Apple pour les puces mobiles
Début 2018, c’était au tour de Qualcomm d’être frappé d’une lourde sanction de 997 millions d’euros pour avoir abusé de sa position dominante entre 2011 et 2016. L’UE a estimé que Qualcomm avait exclu les fabricants de puces rivaux du marché en payant Apple pour qu’il utilise exclusivement ses puces dans les iPhones et iPads. Cependant, Qualcomm a fait appel et, en juin 2022, le Tribunal a rejeté l’analyse de la Commission, annulant l’amende.
9. Les pratiques de licence anticoncurrentielles de Microsoft
En mars 2004, Microsoft a été sanctionné pour avoir abusé de la position dominante de son système d’exploitation Windows. L’amende record de 497 millions d’euros a été confirmée en appel. L’UE a également ordonné diverses mesures correctives, notamment des exigences d’interopérabilité. Une seconde sanction plus importante, de 899 millions d’euros, a été infligée à Microsoft en février 2008 pour non-conformité.
10. L’accord fiscal entre le Luxembourg et Amazon
Dans une affaire d’aide d’État d’octobre 2017, l’UE a soutenu que le Luxembourg avait accordé à Amazon des « avantages fiscaux indus » entre mai 2006 et juin 2014, lui permettant de payer quatre fois moins d’impôts que d’autres entreprises. Cependant, contrairement au cas irlandais d’Apple, les arguments de l’UE n’ont pas prévalu devant les tribunaux : fin 2022, la Cour de justice a annulé la décision de la Commission, Amazon étant ainsi hors de cause.
L’héritage durable des actions antitrust de l’UE
Bien que les résultats des actions antitrust de l’UE dans le domaine de la tech aient été variables, un héritage durable est que certaines de ces affaires majeures ont servi d’inspiration pour la Digital Markets Act (DMA) de l’UE. Cette réforme phare en matière de contestabilité du marché pourrait voir les grands acteurs de la tech frappés plus durement et plus rapidement dans les années à venir.
Il est enfin temps pour les géants de la tech de s’attacher.
Margrethe Vestager, Commissaire européenne à la Concurrence
Alors que le débat sur l’équilibre entre innovation et réglementation se poursuit, une chose est sûre : les actions antitrust de l’UE ont façonné et continueront de façonner le paysage technologique pour les années à venir. Les géants de la tech devront naviguer avec précaution dans les eaux réglementaires de l’UE, ou risquer de lourdes sanctions.