La Cour Suprême Déclare La Saison Ouverte Sur Les Régulateurs

Dans une décision qui pourrait avoir des conséquences majeures pour l’industrie technologique, la Cour suprême des États-Unis vient de renverser un arrêt vieux de 40 ans, ouvrant ainsi la voie à une interférence sans fin de l’industrie et des caprices des juges dans la réglementation. Cette décision, prise à 6 voix contre 3, érode considérablement le pouvoir des agences fédérales à réguler efficacement les industries qu’elles supervisent.

La doctrine Chevron et son importance

L’arrêt renversé, connu sous le nom de Chevron v. Natural Resources Defense Council, avait établi en 1984 une doctrine cruciale en matière de réglementation fédérale. Cette doctrine stipulait que dans les cas où la loi est ambiguë, les tribunaux doivent déférer aux agences indépendantes comme l’EPA, la SEC et la FCC dans leur capacité d’experts dans leurs domaines respectifs pour interpréter la loi.

Cela signifiait que ces agences, dotées de personnel expert et non partisan, étaient habilitées à trancher les ambiguïtés dans des lois souvent vagues et anciennes. C’est sur cette base que repose par exemple tout le concept de neutralité du net, la FCC devant interpréter si le haut débit est un « service d’information » ou un « service de communication ».

La Cour s’octroie le pouvoir de régulation

Mais avec cette nouvelle décision, la Cour suprême s’est essentiellement attribué les pouvoirs actuellement exercés par chaque agence réglementaire du pays. Comme l’a souligné la juge Elena Kagan dans son désaccord, la Cour s’est accordé « d’un seul coup » un « pouvoir exclusif sur chaque question ouverte – peu importe son caractère d’expertise ou de politique – impliquant le sens de la loi réglementaire ».

Les tribunaux, a-t-elle souligné, « ne savent même pas quelles sont les questions sur l’IA », et encore moins les réponses.

– Juge Elena Kagan

Les implications pour la tech

Cette décision arrive à un moment où l’industrie technologique est confrontée à une vague d’activité réglementaire menée par ces agences, opérant dans le vide de l’action du Congrès. En raison du manque de lois fédérales efficaces dans le domaine de la technologie, les agences ont dû intervenir et proposer des interprétations actualisées des lois existantes.

Mais les leaders de la tech ont bruyamment et à plusieurs reprises demandé des lois fédérales – et non des réglementations d’agences – pour définir et limiter leurs industries. Ils savent très bien que le Congrès est presque incapable de faire passer de telles lois, en partie parce que les lobbyistes de l’industrie technologique les combattent discrètement en coulisses chaque fois qu’une loi ayant des dents est proposée.

  • Chaque loi comporte des ambiguïtés, et aux frontières de la technologie, l’ambiguïté est encore plus courante.
  • Auparavant, la FCC ou la FTC, avec leurs experts, auraient pris une décision éclairée. Désormais, ce sera un juge.
  • Cette décision est sans doute la plus grande action de déréglementation qui pouvait être prise.

Une aubaine pour les grandes entreprises technologiques

Nous entrons dans un climat favorable aux grandes entreprises qui auraient probablement fait l’objet d’un examen réglementaire – désormais beaucoup moins susceptibles d’être sanctionnées pour des comportements répréhensibles puisqu’elles peuvent faire redéfinir « répréhensible » par une juridiction de leur choix.

Mais le chaos favorise les agiles, et les grandes entreprises technologiques se sont avérées lentes à réagir face à une technologie révolutionnaire pour l’industrie (ou du moins le croient-elles) comme l’IA. Il y a ici une opportunité, pour ceux qui ont de l’argent et de l’ambition mais ne sont pas encombrés par certains principes moraux, d’explorer de nouvelles méthodes et modèles d’affaires qui auraient pu attirer l’attention des régulateurs auparavant.

Si vous pensiez être exploité auparavant – vous n’avez encore rien vu.

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