Dans un récent rapport sur ses résultats trimestriels, le géant pétrolier BP a discrètement révélé qu’il mettait fin à 18 projets d’hydrogène en phase de démarrage. Cette décision, ainsi que la vente de ses activités éoliennes terrestres aux États-Unis, permettra à BP d’économiser 200 millions de dollars par an et de renforcer ses bénéfices. Mais elle pourrait aussi avoir un effet glaçant sur l’industrie naissante de l’hydrogène.
L’hydrogène est considéré comme un levier majeur pour décarboner des secteurs industriels très polluants comme la raffinerie pétrochimique, la sidérurgie ou le transport maritime longue distance. Cependant, les infrastructures pour produire et distribuer de l’hydrogène, en particulier l’hydrogène vert issu d’électricité renouvelable, restent très limitées. La raison principale est le coût élevé de production de cette forme d’hydrogène la plus propre, ainsi que les frais importants de transport par rapport aux énergies fossiles.
BP, un soutien historique à l’hydrogène qui recule
BP a longtemps été un acteur engagé dans le développement de l’hydrogène. Son fonds de capital-risque a investi dans plusieurs startups prometteuses comme Electric Hydrogen ou Advanced Ionics. En début d’année, BP avait aussi annoncé son intention de lancer « plus de 10 » projets hydrogène aux États-Unis, en Europe et en Australie.
Mais le groupe fait maintenant machine arrière, indiquant qu’il ne développera finalement qu’entre 5 et 10 projets, sans préciser lesquels ont été abandonnés. Un coup dur pour de nombreuses jeunes pousses qui comptaient sur le soutien financier et le lobbying des majors pétrolières pour faire décoller le marché de l’hydrogène vert.
Les pétroliers, partenaires logiques mais frileux de l’hydrogène
L’industrie hydrogène voit dans les géants du pétrole et du gaz un relais de croissance idéal. Beaucoup produisent déjà de l’hydrogène à partir de gaz naturel dans leurs raffineries. Ils sont donc des clients naturels pour les startups développant des électrolyseurs permettant de fabriquer de l’hydrogène à partir d’eau et d’électricité.
De plus, les pétroliers ont une expérience unique pour mener des projets d’infrastructure de grande envergure, compétence essentielle si l’on veut que l’hydrogène pèse réellement dans la réduction des émissions industrielles. Mais dans le même temps, leur activité repose sur les profits des énergies fossiles. Ils ont donc peu d’intérêt à accélérer la transition énergétique.
La décision de BP de revoir à la baisse ses ambitions dans l’hydrogène ne sera probablement pas la dernière du secteur pétrolier.
Quel avenir pour l’hydrogène sans le soutien des pétroliers ?
Le désengagement partiel de BP de l’hydrogène illustre le dilemme de cette filière émergente. Elle a besoin des investissements et du poids politique des géants des énergies fossiles pour changer d’échelle. Mais ces derniers restent frileux car l’hydrogène propre menace à terme leur modèle économique.
Pour s’imposer malgré tout, l’hydrogène vert devra donc :
- Réduire drastiquement ses coûts de production via des innovations technologiques
- Obtenir un soutien public fort avec des subventions et une règlementation favorable
- Convaincre des investisseurs alternatifs (fonds climat, capital risque…) de prendre le relais
C’est à ce prix que l’hydrogène pourra réellement contribuer à la décarbonation de l’industrie et s’imposer comme un pilier de la transition énergétique. Le chemin est encore long et semé d’embûches comme le montre le demi-tour de BP. Mais l’enjeu climatique est trop important pour renoncer.