Imaginez un instant que votre téléphone, cet appareil si personnel qui contient toute votre vie numérique, soit secrètement surveillé par quelqu’un d’autre à votre insu. C’est malheureusement la réalité pour des dizaines de milliers de personnes victimes de logiciels espions, aussi appelés « stalkerware ». Ces applications, souvent installées par un conjoint jaloux, permettent d’épier les moindres faits et gestes d’un individu via son smartphone. Conversations, photos, géolocalisation… plus rien n’est privé. Au-delà de l’aspect profondément intrusif et non éthique, l’utilisation de stalkerware est aussi illégale dans la plupart des pays. Et comme si cela ne suffisait pas, ces logiciels se révèlent très peu sécurisés et exposent les données volées des victimes, mais aussi celles des espions, aux quatre vents sur internet.
20 entreprises de stalkerware piratées en quelques années
Depuis 2017, pas moins de 20 sociétés éditrices de logiciels espions ont été piratées ou ont subi des fuites massives de données, d’après un décompte de TechCrunch. Parmi elles, certaines ont même été visées à plusieurs reprises comme TheTruthSpy. Les hackers à l’origine de ces attaques affirment agir pour dénoncer une industrie toxique et l’exposer au grand jour. Et force est de constater que la sécurité de ces entreprises laisse clairement à désirer. Les données de milliers de victimes se sont ainsi retrouvées en libre accès sur le web : messages, photos, enregistrements, contacts, historiques de navigation, mots de passe…
Les gens qui dirigent ces entreprises ne sont peut-être pas les plus scrupuleux ni vraiment préoccupés par la qualité de leur produit.
Eva Galperin, directrice cybersécurité de l’EFF
Espionner ses proches est illégal et dangereux
Au-delà de l’aspect moralement répréhensible, surveiller son/sa partenaire ou ses enfants à leur insu constitue dans la plupart des cas une infraction pénale passible de sanctions. D’autant que ces pratiques peuvent avoir des conséquences dramatiques et faciliter des violences conjugales.
Par ailleurs, en utilisant des logiciels espions peu sécurisés, les harceleurs exposent aussi leurs propres données personnelles en plus de celles de leurs victimes. Un comble pour des personnes cherchant justement à obtenir toujours plus d’informations sur leurs proches…
- Espionner son/sa partenaire est illégal dans la majorité des pays
- Les logiciels stalkerware facilitent les violences conjugales
- Leur manque de sécurité met en danger les données des victimes ET des espions
Des alternatives légales pour protéger ses enfants en ligne
Si l’on peut comprendre l’envie de certains parents de vouloir protéger leurs enfants des dangers du web, installer un stalkerware à leur insu n’est clairement pas la solution. Il existe des alternatives bien plus saines et sécurisées :
- Dialogue et éducation : la meilleure protection est d’instaurer un climat de confiance pour parler des risques sans tabou
- Contrôle parental intégré : les systèmes iOS et Android proposent des options de suivi d’activité pour les enfants, de manière transparente
- Navigation accompagnée : surfer avec son enfant permet de le guider sans s’immiscer dans sa vie privée
Lutter contre une industrie qui prospère sur la surveillance abusive
Malgré les diverses attaques subies, le secteur du stalkerware continue malheureusement de prospérer en misant sur les peurs et la méfiance au sein des couples et des familles. Des dizaines d’acteurs douteux se partagent ainsi un marché estimé à plusieurs dizaines de millions de dollars.
Pour endiguer ce fléau, une prise de conscience collective s’impose. Il est urgent de réaffirmer le droit fondamental de chacun à la vie privée et de condamner fermement ces pratiques intrusives et abusives. Des campagnes de sensibilisation, l’adoption de législations plus strictes et une régulation accrue des éditeurs de spywares sont indispensables.
Car en installant un mouchard numérique pour surveiller ses proches, c’est la confiance qui est espionnée, la liberté qui est mise sur écoute et les relations intimes qui sont hackées. Des logiciels toxiques pour des liaisons dangereuses en somme. Il est temps de les débrancher.
