Les géants chinois de l’e-commerce à ultra-bas prix Shein et Temu sont dans le collimateur de l’Union Européenne. À peine soumis aux règles les plus strictes du Digital Services Act (DSA), le nouveau cadre réglementaire des services numériques dans l’UE, la Commission a annoncé vendredi avoir envoyé une série de demandes d’informations aux deux plateformes concernant leur conformité à diverses exigences de la loi.
Le DSA, un outil pour réduire les risques pour les consommateurs
Entré en vigueur récemment, le DSA vise à relever les standards des services numériques, y compris les marketplaces, afin de mieux protéger les consommateurs européens. Les législateurs misent sur ce régime pour réduire les risques liés notamment à la vente de produits illégaux ou dangereux en ligne.
Shein et Temu sont soumis aux règles générales du DSA depuis mi-février mais ont récemment été désignés comme « très grandes plateformes en ligne » (VLOP), respectivement en avril et mai, renforçant encore leur exposition au risque réglementaire avec l’arrivée des régulateurs européens dans la surveillance.
Des plaintes de consommateurs à l’origine du contrôle
Juste avant sa désignation comme VLOP, Temu avait aussi été visé par une série de plaintes déposées par des associations de protection des consommateurs de différents pays européens. Elles accusent la plateforme d’être truffée d’astuces de conception manipulatrices (« dark patterns ») présentant des risques pour les enfants, d’avoir des systèmes de recommandation opaques et de ne pas assurer la traçabilité des vendeurs, empêchant les consommateurs de savoir si les produits vendus sont aux normes européennes.
La Commission a déclaré que son action d’aujourd’hui s’appuie sur les préoccupations soulevées dans ces plaintes.
Plusieurs points de conformité DSA sous la loupe
Les demandes d’informations de l’UE soulignent les domaines où Shein et Temu font face à un examen précoce dans le cadre du DSA :
- Les mécanismes de notification et action permettant aux utilisateurs de signaler des produits illégaux
- La conception des interfaces en ligne, qui ne doivent pas tromper ni manipuler les utilisateurs
- La protection des mineurs
- La transparence des systèmes de recommandation (algorithmes)
- La traçabilité des vendeurs
- La conformité dès la conception
Si la Commission juge que Shein ou Temu ne respectent pas suffisamment les standards légaux de protection des consommateurs, cela pourrait préfigurer l’ouverture d’enquêtes formelles. Les sanctions peuvent aller jusqu’à 6% du chiffre d’affaires annuel mondial en cas d’infraction avérée. Une application stricte de normes plus élevées pourrait même potentiellement forcer des changements dans des modèles économiques qui misent clairement sur des volumes de ventes élevés.
Un test pour le DSA et la protection des consommateurs en ligne
L’approche à très bas coût et haut volume de Shein et Temu soulève en tout cas des questions sur la qualité et la sécurité des produits vendus. L’application du DSA dans ce domaine s’annonce donc comme un cas d’école pour le nouveau cadre réglementaire européen et sa capacité à mieux protéger les consommateurs en ligne.
Les deux marketplaces ont jusqu’au 12 juillet pour fournir les informations demandées. La Commission évaluera ensuite les prochaines étapes, qui pourraient inclure l’ouverture de procédures formelles en cas de soupçon d’infraction. Affaire à suivre donc, pour voir si le DSA tiendra ses promesses face aux géants de l’e-commerce à petit prix mais peut-être au détriment de la protection des consommateurs.