Imaginez une startup qui, en pleine tempête économique, décide de tout miser sur une stratégie audacieuse : transformer la manière dont ses employés sont payés pour assurer sa survie. C’est l’histoire de Vendease, une entreprise nigériane soutenue par Y Combinator, qui révolutionne le secteur de l’approvisionnement alimentaire en Afrique. Face à une dépréciation monétaire brutale et une inflation galopante, cette jeune pousse de cinq ans a dû prendre des décisions radicales : licenciements massifs, restructuration salariale et pivot technologique. Mais derrière ces choix, se cache une ambition plus grande : devenir une référence durable dans un marché aussi volatile que prometteur. Alors, comment une startup passe-t-elle d’une crise à une opportunité ? Plongeons dans cette aventure entrepreneuriale captivante.
Une Startup Face à une Crise Inédite
Lancée en 2019 par Tunde Kara, Olumide Fayankin, Gatumi Aliyu et Wale Oyepeju, Vendease avait un objectif clair : simplifier l’approvisionnement alimentaire pour les restaurants et entreprises africaines. En seulement quelques années, elle a réussi à déplacer 400 000 tonnes de nourriture pour plus de 2 000 clients, économisant 2 millions de dollars en coûts d’achat et réduisant les pertes liées au gaspillage de près de 500 000 dollars. Un succès impressionnant, porté par une levée de fonds de 30 millions de dollars en Série A en 2022, menée par Partech Africa et TLcom Capital. Pourtant, malgré ces chiffres encourageants, les deux dernières années ont révélé des défis colossaux : la dévaluation du naira, la monnaie nigériane, a divisé par trois la valeur de ses revenus en dollars, tandis que l’inflation a fait grimper les coûts opérationnels. Comment une entreprise à forte intensité de capital humain survit-elle dans un tel contexte ?
Des Licenciements aux Nouveaux Modèles de Rémunération
Pour commencer, Vendease a dû tailler dans le vif. En février dernier, elle a licencié 44 % de son effectif, soit environ 120 employés, après une première vague de suppressions d’emplois cinq mois plus tôt. Mais la véritable surprise est venue ensuite : un changement radical dans la structure salariale. Exit les salaires fixes traditionnels, place à un système basé sur la performance, accompagné d’un plan d’options sur actions (Equity Share Option Plan ou ESOP). Concrètement, depuis février 2025, tous les employés ont reçu un salaire uniforme de 140 000 ₦ (environ 90 $), indépendamment de leur rémunération précédente. À partir de mars, l’entreprise a instauré un plan de récupération progressive :
- De mars à mai : 30 % du salaire initial, sous condition de performance.
- De juin à août : 60 % du salaire initial.
- De septembre à novembre : 90 %, toujours lié aux objectifs.
- Décembre 2025 : retour à 100 %, si tout va bien.
Les portions non payées ? Elles sont converties en options sur actions, dont 50 % seront accessibles sur dix mois et le reste sur trois ans. Une stratégie risquée, mais qui, selon un porte-parole, vise à aligner les intérêts des employés sur la croissance de l’entreprise. « Nous dépensons uniquement ce que nous gagnons », a-t-il expliqué, soulignant une quête d’équilibre financier et de rentabilité.
Un Pivot Technologique pour Réduire les Coûts
Avec seulement 150 employés restants, Vendease ne se contente pas de restructurer ses finances internes. L’entreprise opère un virage stratégique majeur : elle abandonne progressivement la logistique et les entrepôts pour se concentrer sur des solutions logicielles. « Nous sommes une entreprise technologique », insiste le porte-parole. Ce recentrage met l’accent sur trois axes : les outils de vente, les solutions de paiement et un marché de crédit dopé à l’intelligence artificielle. L’objectif ? Réduire les coûts opérationnels tout en offrant des services à forte valeur ajoutée. Ce pivot illustre une tendance croissante dans les startups : l’utilisation de l’IA pour optimiser les processus et compenser les limites humaines.
Le Pari du « Buy Now, Pay Later » (BNPL)
Parmi les innovations qui portent Vendease, le produit Buy Now, Pay Later (BNPL) se distingue. Dans un secteur où les prêteurs traditionnels hésitent à financer des entreprises alimentaires jugées trop instables, Vendease exploite sa connaissance de la chaîne d’approvisionnement pour proposer des prêts via sa plateforme. Résultat : un taux de défaut inférieur à 1 % sur deux ans et plus de 70 millions de dollars de crédits accordés d’ici septembre 2024. Cette approche, renforcée par l’arrivée de Mohamed Chaudry comme CFO en janvier 2024, a permis d’identifier le BNPL comme un levier de rentabilité. Mais est-ce suffisant pour surmonter les défis financiers actuels ?
« Le BNPL est notre porte d’entrée vers une croissance durable, mais il faut l’accompagner d’une discipline financière stricte. »
– Mohamed Chaudry, CFO de Vendease
Une Course Contre la Montre pour Lever des Fonds
Malgré ces efforts, la trésorerie de l’entreprise reste sous pression. Selon des sources internes, le cash runway pourrait s’épuiser dans quelques mois sans apport extérieur. Pour y remédier, Vendease négocie une nouvelle levée de fonds – un bridge round – auprès d’investisseurs existants et nouveaux. Objectif : financer la croissance technologique plutôt que les dépenses opérationnelles. Parallèlement, des rumeurs de vente ont circulé, notamment vers des acteurs du secteur HORECA ou FMCG. La direction dément toutefois toute intention de céder : « Nous sommes régulièrement approchés pour des fusions-acquisitions, mais nos fondateurs veulent continuer à scaler », affirme un porte-parole.
Les Leçons d’une Startup en Mutation
L’histoire de Vendease est un cas d’école pour les entrepreneurs et marketeurs. Elle montre comment une startup peut pivoter face à des vents contraires tout en restant fidèle à sa mission initiale. Voici les enseignements clés :
- Adaptabilité : Face à la crise, Vendease a réagi vite en ajustant ses coûts et son modèle.
- Technologie : L’IA et le BNPL sont des outils puissants pour scaler sans alourdir les charges.
- Engagement : Lier la rémunération des employés à la performance peut motiver, mais aussi diviser.
À l’heure où les startups africaines cherchent leur place sur l’échiquier mondial, Vendease incarne un mélange d’audace et de pragmatisme. Reste à savoir si cette transformation portera ses fruits ou si elle ne sera qu’un sursis dans un marché impitoyable.
Et Après ? L’Avenir de Vendease
En ce 18 mars 2025, Vendease se tient à un carrefour. Entre restructuration interne, pivot technologique et quête de capitaux, l’entreprise joue son va-tout. Si elle parvient à stabiliser ses finances et à capitaliser sur ses innovations, elle pourrait non seulement survivre, mais aussi inspirer d’autres acteurs du continent. Pour les amateurs de business, de tech et d’IA, cette saga est à suivre de près. Une chose est sûre : dans le monde des startups, l’immobilisme n’est pas une option.